Petite maison autrefois isolée dans les dunes de Bellangenêt, la maison dite d'Héléna a souvent été un sujet d'inspiration pour les artistes de passage au Pouldu. Découvrez ici son histoire et celle de sa propriétaire.
La
maison d’Héléna apparaît dans plusieurs œuvres de la fin du XIXe -
début du XXe siècle, associées à l’École de Pont-Aven. Parmi elles,
il convient de citer «
Chaumière au Pouldu », de Wladyslaw Slewinski (Musée des Beaux-Arts de Wroclaw,
Pologne), « La chaumière aux trois mares », de Paul Sérusier (collection
particulière), ou encore « Le lavoir d’Héléna (Le Pouldu) », d’Adolphe-Marie
Beaufrère.
Le paysage faisant de la maison d’Héléna son sujet principal est un
véritable condensé du Pouldu de l’époque. Une chaumière isolée au fond d’une
anse sablonneuse, une barrière à claire-voie fermant le courtil, un cours d’eau
à proximité alimentant lavoir, abreuvoir et mares, des murets de pierres sèches
qui bordent les chemins, les pâtures et les terres cultivées, les hautes dunes,
les bosquets de pins et la lande. Vue de face ou de côté, selon un point de vue
plus ou moins éloigné, la maison d’Héléna est immédiatement identifiable. La façade
orientée nord-est a la préférence des artistes. Le jour n’y pénètre que par la
porte d’entrée et une petite fenêtre située juste au-dessus, la gerbière, qui
échancre joliment le toit de chaume. Près de l’entrée, le toit s’abaisse pour
couvrir une annexe accolée au mur. Ce « déport » servait généralement
d’appentis, d’abris pour le bétail et de poulailler. Sur la façade opposée, plus
ensoleillée, on devine dans de rares œuvres une seconde porte gerbière. La
maison présente des pignons découverts. Chaque pignon portant une souche de
cheminée.
Longtemps, Kerluron fut un village composé d’une seule habitation, la
maison d’Héléna. Mais il existait à proximité, sur la pointe rocheuse qui
surplombe à l’ouest la plage de Bellangenêt, une autre construction, le corps
de garde des douaniers. Sa toiture à redents était constituée de blocs de
pierres taillées assemblés en escalier. Un appentis d’une hauteur au faîtage
inférieur lui était accolé sur son pignon ouest. Le corps de garde de
Bellangenêt, endommagé par des tirs d’artillerie à la fin de la Seconde Guerre
Mondiale, fut reconstruit par les propriétaires du site. Le choix d’un point de
vue distant offrait la possibilité aux artistes d’associer, au sein d’une même
composition, la maison d’Héléna à celle des douaniers en arrière-plan. Pour
jouir d’un tel paysage, il fallait se placer sur les hauteurs de Kernévénas.
Qui était Héléna? Héléna
Marie Le Guennou est née au bourg de Clohars-Carnoët, le 14 avril 1878. Elle
est la fille de Pierre Marie Le Guennou, originaire de Kerzause, âgé de 30 ans,
et de Marie Josèphe Kerdelhué, originaire de Kerjorde, âgée de 24 ans. Le
registre d’état civil donne ses parents pour « cabaretiers » dans le
bourg de Clohars. À cette époque, il n’est pas exceptionnel d’exercer
simultanément ou successivement plusieurs activités dans les domaines de la
mer, de l’agriculture, de l’artisanat ou du petit commerce. Les parents d’Héléna
ne dérogent pas à la règle. L’inscription de leurs neuf enfants au registre des
actes de naissance nous renseigne ainsi sur leurs diverses professions : pêcheur,
cabaretier, marin (cap-hornier) pour le père. Ramendeuse, filandière,
cabaretière, ménagère pour la mère. Héléna est le second enfant de la fratrie.
Elle y tient le rang de grande sœur. Son frère aîné, Pierre, est né 15 mois plus
tôt.
Héléna est-elle indissociable de Kerluron ? Si elle n’y est pas née, elle
y passe la plus grande partie de sa vie. Mais avant de s’installer dans ce
havre naturel, Héléna a vécu à la Croix de Kervec. Ses parents ont élu domicile
dans ce village, situé entre Langlazic et Doëlan, après leur mariage, célébré
le 14 novembre 1874. Deux ans plus tard, Marie Josèphe Kerdelhué donne naissance
à son premier enfant, un garçon, prénommé Pierre Marie Gabriel Le Guennou. La
transmission des prénoms au premier-né est en usage. Le
père d’Héléna a ainsi hérité des prénoms de son propre père, Pierre Marie Le
Guennou, cultivateur et tisserand. Le 20 août 1879, Héléna accueille une petite
sœur, Marie. Malheureusement, la jeune enfant décédera à l’âge de quatre ans
et demi. Au recensement de 1881, Héléna vit encore à la Croix de Kervec
entourée de ses grands-parents maternels, René Kerdelhué et Perrine Le Corre, de
sa mère, de son grand frère Pierre et de sa petite sœur Marie.
Son
père est absent, probablement en mer. Puis, la famille déménage à Pont Du, et, le
3 avril 1885 naît le quatrième enfant du couple, Joseph Marie. Héléna va fêter
ses sept ans dans une dizaine de jours. À Pont Du, la fratrie continue de
s’agrandir avec la venue de François Louis en 1887, de Marie Joséphine en 1889, puis de Perrine Marie en 1891.
La même année, Héléna est domicilié au Pouldu, à Kerluron, chez son grand-père
paternel, Pierre Le Guennou. Le recensement ayant lieu tous les cinq ans à
cette époque, on en déduit qu’Héléna est partie vivre au Pouldu entre 1886 et
1891. Son grand-père s’est installé, quant à lui, à Kerluron entre 1847 et
1851. Ou plutôt Kerliron, comme on l’appelait alors. Cette dénomination
apparaît encore dans les registres du recensement de 1896.
Héléna
sera rejointe plus tard, entre 1893 et 1896, par ses parents et ses six frères
et sœurs, car la famille compte un enfant supplémentaire,
Robert Jean Marie. Il est probable que leur arrivée fait suite au décès de
l’épouse du grand-père, Marie Marguerite Le Corre. Il l’avait épousé en second
mariage, en 1875, devant l’adjoint au maire, Laurent Brangoulo. La modeste
chaumière du Pouldu abrite alors une famille de dix personnes. Le petit dernier,
Michel, y naît le 23 juillet 1897.
Treize
jours plus tard, à 43 ans, Marie Josèphe Kerdelhué meurt à Kerluron, sans doute
des suites de couches, laissant Pierre veuf, à 49 ans, avec huit enfants :
Pierre, Héléna, Joseph, François, Joséphine, Perrine, Robert et Michel. À ce
moment-là, Héléna a 19 ans et le grand-père, 82 ans. Assurément, cette grande
sœur endosse le rôle de mère avant même de pouvoir se marier. D’autant plus que
le chef de famille, marin de profession, est très souvent absent. Finalement,
Héléna se marie le 1er avril 1907, à l’âge de 28 ans, avec Pierre Marie Joseph Audren,
24 ans, un marin d’État originaire du village de Kervennou-Pouldu. Trois mois après leur mariage, le grand-père d’Héléna
décède, à l’âge très
avancé de 92 ans. Héléna aura deux enfants, d’abord une fille, Hélène, en 1912.
Puis, un garçon, Joseph, en 1920. Ces derniers ont vécu à Kerluron, dans une
maison familiale remaniée et agrandie. Héléna s’éteint le 13 juin 1941 à
Kerluron, à l’âge de 63 ans. Soit treize ans avant son époux.
Maud
Naour
Responsable de la
Maison-Musée du Pouldu
ill. 1 : Adolphe Otto Seligmann, [La chaumière d'Héléna]
ill. 2 : Pierre Marie Le Guennou, né le 28 octobre 1847 à Kerzause. Décédé le 21 juillet 1930 à Kerluron, à l'âge de 82 ans. Le père d'Héléna.
ill. 3 : Les époux Audren, Héléna et Pierre, avec leurs enfants, Hélène et Joseph, vers 1922.
ill. 4 : Photographie prise par le peintre Adolphe Otto Seligmann (1862-1928). Autrefois les charrettes pleines de goémon ou de sable attelées à de robustes chevaux passaient devant la chaumière d'Héléna.